De l’Aubrac à la Bastille : bals, cabrette et racines

de la cabrette à l'accordéon

Le contexte social et économique de l’immigration aveyronnaise à Paris et l’émergence des premiers bals populaires autour de la cabrette et de l’accordéon


1. Une migration ancrée dans l’histoire sociale

Depuis la fin du XIXe siècle, des milliers d’Aveyronnais quittent les hauts plateaux de l’Aubrac pour chercher une vie meilleure à Paris. Le contexte est difficile : la pauvreté régionale, les hivers rigoureux et le manque d’emplois dans les campagnes poussent de nombreuses familles à l’exode.

À Paris, beaucoup trouvent du travail dans la restauration, la gestion de cafés, ou comme concierges. Rapidement, une communauté soudée se forme, notamment dans les quartiers populaires comme ceux de Ménilmontant, Belleville ou le 12e arrondissement. C’est dans ces lieux que se construisent les premiers repères culturels.


2. Une culture musicale qui traverse les montagnes

Dans leurs valises, les Aveyronnais emportent un patrimoine immatériel précieux : la musique. La cabrette, petite cornemuse au son chantant, est omniprésente lors des fêtes villageoises. Elle s’associe vite à l’accordéon, instrument émergent, qui deviendra emblématique des bals parisiens.

Dans les cafés aveyronnais, les bals s’organisent spontanément : on pousse les tables, les musiciens s’installent, et les premiers pas de bourrées, scottishs et mazurkas se dansent entre compatriotes. Ces moments permettent de recréer du lien, de conserver une identité.


3. Premiers bals : souvenirs et anecdotes

Paul, fils de cafetiers aveyronnais, raconte :

« Mon père faisait venir un joueur de cabrette tous les dimanches. Il jouait en duo avec un accordéoniste de Rodez. Je me souviens des dames en robe à pois, des hommes en veston… On dansait jusqu’à minuit, parfois plus. »

Une autre habitante de la rue de Charonne se rappelle :

« On n’avait pas beaucoup d’argent, mais chaque bal était une fête. Il y avait toujours un cousin ou un voisin pour jouer. C’était notre manière de rester Aveyronnais, même à Paris. »

On y jouait aussi bien des bourrées que des valses musette. Peu à peu, les bals aveyronnais croisent d’autres traditions : italienne, auvergnate, polonaise… C’est la naissance du bal musette parisien, où la cabrette cèdera progressivement sa place à l’accordéon seul.


4. L’esprit de ces bals dans l’Orchestre Eric André

Aujourd’hui, faire revivre ces ambiances fait partie de notre mission artistique.

L’Orchestre Eric André intègre dans ses bals et concerts des bourrées, scottishs et valses inspirées de cette tradition. L’accordéon y tient une place centrale, en hommage à ces musiciens anonymes qui, dans l’ombre des comptoirs ou des bals du dimanche, ont bâti une culture populaire vibrante.

Ces bals d’hier racontent une histoire d’identité, de résistance joyeuse à l’exil, et de fierté culturelle. Une histoire que nous sommes fiers de faire danser encore aujourd’hui.

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